« Et toi, t'es quoi ? Le monstre de foire ? » Lorsqu'on est petit, il n'y a rien de pire que la cruauté des enfants ; surtout lorsque leur sujet de moquerie nous touche personnellement sans qu'il nous soit directement adressé. Je baissais la tête, cachant mes larmes, priant pour qu'il s'en aille au plus vite. Mais eux, ils avaient d'autres plans, apparemment. L'un d'eux me lança son gobelet vide, et je lui jetais un regard noir à travers mes larmes. Cet abruti finirait obèse et plein de sucre, c'était sûr, me disais-je pour me rassurer. « Eh, laissez-la ! » Surprise, je tournais la tête, avant de reconnaître un garçon qui était dans la même classe que moi mais à qui je n'avais jamais parlé. Tandis que les autres le regardait, hébétés, il se dirigea vers moi, m'agrippa le bras et m'entraîna loin des autres. « Euh, merci, t'étais pas obligé, tu sais... » Pour tout réponse, il m'offrit un sourire et haussa les épaules. « Bah, tes parents m'offrent des barbes à papa, je te devais bien ça ! » Et ce jour-là, il devint mon meilleur ami.
Par la suite, on ne s'est plus quittés. Toujours a veiller l'un sur l'autre, a se soutenir, à étudier... On a en bavé des commentaires lourds et pitoyable sur le fait qu'on était inséparable. Pourtant, c'est pas comme si on avait des attitudes de couples. Les gestes de tendresse, c'était vraiment dans les moments douloureux, quand on avait besoin de ne plus se sentir seul. Sinon, on avait toujours préféré remonter le moral de l'autre à coup de menaces et de blagues débiles. On s'est toujours raconté exactement tout, sans aucune honte. Pour chacun, l'autre est un membre de la famille, asexué de surcroît, et ça restera toujours comme ça; même si on est les premiers au courant des changements de la vie sentimentale et sexuelle de l'autre.

Lui et Zola sont sortis ensemble, au tout début de la fac. Mais la grande timidité de Zola n'allait pas de paire avec une vie de couple, surtout qu'elle n'avait pas encore réussi à faire un gros travail sur elle même afin de s'émanciper un peu de la morale de sa famille alors autant dire qu'elle était pas toujours drôle, un peu coincée et super réservée. Trop plongée dans ses études, elle n'a jamais su dire au jeune homme à quel point elle l'aimait, à quel point elle était folle de lui. Alors, presque d'un commun accord, mais surtout le coeur déchiré, ils se sont quittés, en douceur et presque avec plus d'amour que lorsqu'ils étaient ensemble. Elle a essayé deux trois relations, lui aussi de son côté, mais rien d'aussi sincère que ce qu'ils avaient ensemble. Ils continuent de se revoir du coup, surtout qu'elle est amie avec Jazz mais à chaque fois, c'est le même malaise, la même timidité et la même maladresse. Pourtant, même s'ils sont un peu moins réservés, rien n'a changé dans leur sentiment...